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Courte biographie de Cheikh Anta Diop

Cheikh Anta Diop est né le 29 décembre 1923 dans le village de Caytou situé dans la région de Diourbel au Sénégal, à environ 150 km de Dakar. Après des études coraniques, primaires et secondaires au Sénégal, Cheikh Anta Diop se dotera d’une double formation supérieure en sciences humaines et en sciences exactes à Paris, en France.
Il publie en 1954, aux Éditions Présence Africaine fondées par Alioune Diop, un ouvrage retentissant, Nations nègres et Culture — De l’antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique noire d’aujourd’hui qui fonde les humanités africaines sur une base scientifique et dont Aimé Césaire écrira : “… Nations nègres et Culture — [livre] le plus audacieux qu’un Nègre ait jusqu’ici écrit et qui comptera à n’en pas douter dans le réveil de l’Afrique” (Discours sur le Colonialisme, 1955).

En janvier 1960, il soutient sa thèse d’État à la Sorbonne dans le domaine de la sociologie historique, qui paraîtra en deux livres aux Éditions Présence Africaine : L’Afrique noire précoloniale et L’unité culturelle de l’Afrique noire.

Avec ces trois premiers ouvrages, Cheikh Anta Diop fonde l’histoire scientifique du continent africain en même temps qu’il inaugure une école historique africaine.
Il retourne définitivement au Sénégal. Il est affecté à l’IFAN (Institut Français d’Afrique Noire qui deviendra plus tard Institut Fondamental d’Afrique Noire), alors dirigé par Théodore Monod. Cheikh Anta Diop se consacre en partie à l’archéologie, puis entreprend de créer un laboratoire de datation par le Carbone 14 (radiocarbone) au sein de l’IFAN.
Par une Note de Service en date du 17 avril 1963, Théodore Monod officialise, au sein du Département d’Archéologie et de Préhistoire de l’IFAN, l’existence du “Laboratoire de Datation par le Radiocarbone” dont le responsable est Cheikh Anta Diop.
En 1966 le laboratoire devient pleinement opérationnel avec la livraison, grâce au Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) du Centre d’Études Nucléaires de Saclay en France, de l’ensemble transistorisé de comptage de la radioactivité, “RA14” de la société Intertechnique.
Des relations de travail sont établies entre l’IFAN et le CEA/CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique français) avec notamment Jean Le Run, Jacques Labeyrie, Directeur du Centre des Faibles Radioactivités (CFR) et Georgette Delibrias, Directrice du Laboratoire du Radiocarbone du CFR de Gif-sur-Yvette.
Cheikh Anta Diop donne à la salle de mesure des dates le nom de Théodore Monod et le nom de Jean Le Run à celle du traitement chimique des échantillons, en témoignage de reconnaissance à l’éminente personnalité scientifique qui a créé et dirigé l’IFAN (jusqu’en 1965) et à l’un des pionniers du “Carbone 14” en France auprès duquel il s’était formé au “C14”.
À l’exception de celui de la Rhodésie du Sud (aujourd’hui le Zimbabwe), c’est, alors, l’unique laboratoire de Carbone 14 existant en Afrique noire. Les fondations du laboratoire ont été conçues pour supporter un étage supplémentaire car Cheikh Anta Diop avait envisagé dès le début du projet de développer et d’élargir les activités de ce laboratoire qu’il considérait comme le noyau, au sud du Sahara, d’un futur grand centre africain des faibles radioactivités, devant regrouper à terme différentes méthodes de datation.
De nombreux domaines peuvent bénéficier de l’existence d’un tel laboratoire : l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la géologie, la climatologie ….
Les résultats des datations des échantillons archéologiques sont publiés dans le Bulletin de l’IFAN et dans la revue internationale Radiocarbon.
En 1968, Cheikh Anta Diop publie l’ouvrage : Le laboratoire du radiocarbone de l’IFAN qui est un descriptif des installations et rassemble les mesures de stabilité des compteurs effectuées du 20 décembre 1966 au 30 mai 1967. Il contient également les résultats des premières dates obtenues de trois échantillons fournis respectivement par Théodore Monod, le laboratoire datation de Saclay/Gif-sur-Yvette et une mission archéologique britannique en Gambie. Quelques années plus tard, en 1974, il fait paraître un ouvrage, Physique nucléaire et chronologie absolue, qui décrit les diverses méthodes de datation d’échantillons archéologiques et géologiques, en particulier celles du radiocarbone, mises en œuvre dans le laboratoire de Dakar.
C’est dans le cadre de la rédaction de l’Histoire générale de l’Afrique, qu’à son initiative, se tient au Caire, du 28 janvier au 3 février 1974, un colloque international sur Le peuplement de l’Égypte ancienne et sur le déchiffrement de l’écriture méroïtique, qui réunissait des égyptologues du monde entier, parmi les plus éminents (cf. compte rendu publié par l’UNESCO et dans le volume II de l’Histoire générale de l’Afrique.
En septembre 1976, il participe au IXe congrès de l’Union Internationale des Sciences Préhistoriques et Protohistoriques (UISPP) qui se tient à Nice, à l’issue duquel il est élu membre du Bureau de l’UISPP.
Cheikh Anta Diop poursuit également les recherches qu’il avait antérieurement entreprises dans divers domaines : la préhistoire (l’origine de l’homme et ses migrations), l’égyptologie, la linguistique historique africaine, l’évolution des sociétés, l’apport de l’Afrique à la civilisation. Dans le cadre de l’UNESCO, avec d’autres historiens africains éminents tels que Sékéné Mody Cissoko, Joseph. E. Inikori, Joseph Ki-Zerbo, Gamal Mokhtar, Djibril Tamsir Niane, Théophile Obenga, Iba Der Thiam, etc., il contribue de manière déterminante à la rédaction de l’Histoire Générale de l’Afrique.
Il est souvent sollicité pour prendre part à des colloques et congrès, pour donner des conférences, en Afrique, en Europe, aux Amériques.
Cheikh Anta Diop est signataire de l’Appel d’Athènes contre le racisme et la discrimination raciale, lancé en 1981 sous l’égide de l’UNESCO par des intellectuels du monde entier, parmi lesquels le généticien Albert Jacquard.
Il se bat inlassablement pour la promotion de la recherche scientifique en Afrique.
Il a reçu, avec l’universitaire africain-américain, membre fondateur de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), William Edward Burghardt Du Bois, le prix du 1er Festival des Arts Nègres de 1966 récompensant l’écrivain qui a exercé la plus grande influence sur la pensée nègre du XXe siècle.
Toute sa vie il mènera un combat politique pour la libération de l’Afrique, sa renaissance, son développement, la démocratie, et la construction d’un État fédéral continental apte à répondre aux exigences du monde moderne.
Cheikh Anta Diop décède le 7 février 1986 à Dakar-Fann ; il repose à Caytou, auprès de son grand-père Massamba Sassoum Diop. Son épouse, d’origine française, Louise Marie Diop-Maes, décédée le 4 mars 2016, est inhumée à Caytou. Enseignante d’histoire et géographie, elle était docteure en géographie humaine de l’Université Paris-1/Panthéon-Sorbonne ; elle a publié sa thèse sous le titre Afrique noire – Démographie, sol et histoire. Il s’agit d’un travail de recherche pluridisciplinaire novateur qui renverse la vision habituellement présentée de l’histoire démographique de l’Afrique subsaharienne sur la longue durée.