Expositions en cours

La « Galerie de l’incivisme »

La « Galerie de l’incivisme » Le choix de dédier un espace à l’incivisme au cœur du Musée des Civilisations noires qui se veut une fabrique continue de l’humanité peut paraître paradoxal à bien des égards. Il l’est d’ailleurs, très rigoureusement car le paradoxe est, dans son acception générale, anomalie, extravagance, singularité, voire absurdité. Dans tous les cas, il est hors normes. En conséquence, l’invite faite à l’incivisme dans nos murs est pour le sortir de la banalité et de la confidentialité afin que sa posture de déviant éclate au grand jour.
En raison du rôle central que joue la culture dans la fabrique de l’humain, notre patrimoine culturel sera largement revisité car il ne s’agit pas de convoquer le Civisme comme s’il s’agirait d’un comportement à acquérir, d’établir qu’il s’agit d’un continuum à préserver à partir d’instruments didactiques à adapter au langage de notre temps.
Cette exposition enfin, essentiellement audiovisuelle sera une plateforme évolutive au service des citoyens, des artistes et activistes qui luttent, au quotidien, pour promouvoir de bonnes pratiques dont les services publics sont garants.

L’initiation, une fabrique de l’humain

Les remarquables capacités de résistance dont fait preuve les sociétés africaines dans les épreuves que furent la Traite négrière et la colonisation ne s’expliquent que par la culture. Une culture enracinée au plus profond des êtres par un processus fusionnel qui lie l’homme à sa société, à jamais. L’enfant qui sort de la forêt est une autre personne. Il aura appris, à travers son parcours initiatique, à connaître « sa société vraie », par opposition à celle « d’en face » pour reprendre une sagesse. C’est dans ce refuge inexpugnable que l’Afrique a gardé son âme et personne n’a jamais réussi à la lui reprendre. Osons assumer cette partie de nous-même pour fonder une nouvelle humanité.
Au demeurant, contrairement à des idées reçues, l’éducation traditionnelle en Afrique était un espace dédié tout entier à la créativité. A travers son parcours initiatique qui est aussi socialisation, il produit, au quotidien, par l’apprentissage ou sous la direction des aînés, une panoplie incroyable de jeux et jouets qui sont autant de fenêtres ouvertes pour la connaissance de la nature et la compréhension du sens des choses et des êtres.
L’ouverture de cette galerie de l’incivisme n’est donc pas un effet de mode. Il s’agit d’un combat pour nous et d’une levée de bouclier contre nos travers. Dans cette entreprise qui s’adressera beaucoup à la jeunesse, nous inviterons, régulièrement, à une revisite de notre patrimoine culturel où les jeux, jouets, contes, légendes ainsi que les douces berceuses de nos enfances plurielles devraient être réappropriés dans une perspective didactique qui les mette, résolument au service de la société.
En somme, il nous faut promouvoir un africain inventif, enraciné et apte à participer, non pas en qualité de spectateur, mais d’acteur, à la société de l’information qui est, avant tout, celle des producteurs.

Les expressions du pouvoir et de la citoyenneté, un antidote contre l’incivisme

Dans l’Afrique traditionnelle, l’expression du pouvoir était encadrée par une série de conventions qui, tout en assurant son effectivité, en endiguaient les abus. Si le chef avait un pouvoir, parfois d’inspiration divine, le rituel imposait toujours les règles qui en atténuaient les conséquences.
Pour cette première ouverture de la Galerie de l’Incivisme nous avons décidé de convoquer la Charte du Mandé inscrite en 2009 sur la Liste représentative du patrimoine immatériel de l’humanité tenue par l’UNESCO. Sa valeur universelle exceptionnelle est décrite ainsi qu’il suit :
« Au début du XIIIe siècle, à l’issue d’une grande victoire militaire, le fondateur de l’Empire mandingue et l’assemblée de ses « hommes de tête » ont proclamé à Kouroukan Fouga la « Charte du Mandén nouveau », du nom du territoire situé dans le haut bassin du fleuve Niger, entre la Guinée et le Mali actuels. La Charte, qui est l’une des plus anciennes constitutions au monde même si elle n’existe que sous forme orale, se compose d’un préambule et de sept chapitres prônant notamment la paix sociale dans la diversité, l’inviolabilité de la personne humaine, l’éducation, l’intégrité de la patrie, la sécurité alimentaire, l’abolition de l’esclavage par razzia, la liberté d’expression et d’entreprise. Si l’Empire a disparu, les paroles de la Charte et les rites associés continuent d’être transmis oralement, de père en fils, et de manière codifiée au sein du clan des Malinkés. Pour que la tradition ne soit pas perdue, des cérémonies commémoratives annuelles de l’assemblée historique sont organisées au village de Kangaba (contigu à la vaste clairière Kouroukan Fouga, de nos jours au Mali, près de la frontière de la Guinée). Elles sont soutenues par les autorités locales et nationales du Mali, et en particulier les autorités coutumières, lesquelles y voient une source d’inspiration juridique ainsi qu’un message d’amour, de paix et de fraternité venu du fond des âges. La Charte du Mandén représente aujourd’hui encore le socle des valeurs et de l’identité des populations concernées ».
Tout ce qui fonde le Civisme est dans ce texte qui est un remarquable instrument au service du dialogue des cultures carrefour incontournable pour la promotion du vivre ensemble.